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La COP 28, le “Consensus” ou le Miracle de la Onzième Heure ?

Le sommet de la COP 28 à Dubaï, événement phare de la diplomatie climatique mondiale, s’est achevé avec des résultats significatifs et des aspirations marquées [1]. Notre analyse explore les subtilités de l’accord, évalue ses implications et envisage la voie à suivre dans la lutte incessante contre le changement climatique. Cette article est la version française de l’article original “The COP 28 “UAE Consensus” : the Miracle of the Eleventh Hour?” sur notre platforme GOTIT.

Accord historique sur les combustibles fossiles à la COP 28

Lors du sommet sur le climat de la COP 28, près de 200 pays ont conclu un accord important visant à faire face à la crise climatique mondiale [1]. L’objectif principal de cet accord était d’encourager les nations à se détourner des combustibles fossiles, marquant un moment décisif dans la lutte contre le changement climatique.

Bien que l’accord n’ait pas explicitement abouti à une sortie des combustibles fossiles, il a appelé à une transition juste et équitable pour atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050, conformément aux recommandations scientifiques. Cette approche a suscité un mélange de soutien et de critiques.

Sultan Al Jaber, président de la COP 28, a célébré l’accord comme une étape historique vers l’accélération de l’action climatique et le maintien de l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Cependant, l’Alliance des petits États insulaires, représentant 39 pays, a exprimé son insatisfaction, soulignant ce qu’ils percevaient comme une “litanie de failles” dans l’accord [2]. Ils ont également mis en lumière l’absence d’un mécanisme de financement clair pour aider les pays en développement à s’éloigner des combustibles fossiles.

L’accord a également fixé des objectifs ambitieux, tels que le triplement de la capacité mondiale d’énergie renouvelable d’ici 2030, en soulignant la nécessité de réductions substantielles des émissions de gaz à effet de serre.

Malgré les critiques, l’inclusion du terme “combustibles fossiles” dans un résultat de la COP 28 pour la première fois a marqué un changement symbolique significatif. Cela indique une reconnaissance mondiale croissante de la nécessité de se diriger vers un monde sans combustibles fossiles. Tout au long des négociations, le président de la COP 28, Al Jaber, a mené d’importants efforts diplomatiques pour répondre aux préoccupations et améliorer l’accord, en particulier après qu’un projet antérieur ait été largement rejeté, considéré comme insuffisant.

Le “Consensus des Émirats Arabes Unis” de la COP 28 : Malgré les intérêts antagonistes

L’accord de la COP 28, bien loin d’être parfait, a rencontré une résistance significative de la part des principaux pays producteurs de pétrole. L’Arabie saoudite a notamment tenté d’effacer toute référence aux combustibles fossiles de la discussion, se concentrant ensuite sur la promotion de la technologie de capture et de stockage du carbone, une solution qu’elle soutient ouvertement mais dans laquelle elle investit curieusement peu. L’accent mis sur la capture et le stockage du carbone (CCS) et d’autres technologies non éprouvées a été perçu comme une diversion du véritable enjeu : la nécessité d’éliminer la dépendance aux combustibles fossiles.

En tant que principal producteur de pétrole et de gaz dans le monde, la Chine présente une dichotomie singulière. D’une part, elle étend agressivement sa production de charbon ; d’autre part, elle s’engage tout aussi résolument à augmenter ses ressources en énergies renouvelables. Parallèlement, le secteur du charbon en Inde semble prêt à poursuivre ses activités largement inchangées par l’accord international récent. La Russie, conservant un profil bas, aurait sapé les progrès et devrait intensifier ses efforts lors du prochain sommet de la COP à Bakou, en Azerbaïdjan.

Les États-Unis semblent avoir navigué dans les négociations avec un engagement minimal, promettant un peu plus de 20 millions de dollars ! L’adoption rapide de l’accord a conduit à sa caractérisation en tant que “consensus des Émirats arabes unis” par le président de la COP, Al Jaber.

Le consensus des Émirats Arabes Unis de la COP 28 : une étape décisive ou une opportunité manquée ?

La plénière finale de la COP 28 a donné un sentiment collectif de progrès parmi les nations qui luttent sérieusement contre la crise climatique. Ce sentiment est enraciné dans la conviction que l’accord marque le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles. Cependant, la transition, loin du charbon, du pétrole et du gaz, devrait être un processus progressif, les nations développées et les producteurs de pétrole ne progressant pas au rythme préconisé par les scientifiques du climat.

Néanmoins, l’impact définitif de cet accord historique reste en question. Sera-t-il le catalyseur de la fin de l’ère des combustibles fossiles, ou simplement une autre étape vers une catastrophe climatique potentielle ? La résolution adoptée à la COP 28, bien qu’historique dans son appel à une sortie implicite des combustibles fossiles, n’est pas exécutoire et contient de nombreuses failles. Ces lacunes, particulièrement préoccupantes pour les petits États insulaires vulnérables au changement climatique, peuvent entraver les réductions significatives des émissions de gaz à effet de serre, nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.

Bien que la mention des combustibles fossiles dans le document final du bilan global de la COP 28 [3] ait été perçue comme un signal politique crucial, elle a été critiquée pour son absence d’engagement concret à les éliminer. Les critiques ont souligné un langage intentionnellement vague, qu’ils soutiennent avoir été conçu pour diluer l’efficacité de l’accord. Au milieu de ces complexités, les pays en développement ont encore un besoin urgent d’un soutien financier substantiel pour faciliter leur transition, un défi qui continue de peser lourdement dans l’effort mondial pour combattre le changement climatique.

Combler le fossé : défis financiers et technologiques

Soutien financier pour les pays en développement

L’un des enjeux les plus pressants de la COP 28 était la nécessité d’un soutien financier pour les pays en développement. Ces nations, les plus touchées par le changement climatique, font face à un défi majeur dans la transition loin des combustibles fossiles. Malgré la reconnaissance de ce besoin, le sommet n’a pas réussi à fournir des mécanismes financiers concrets ou des engagements. Cette omission crée un obstacle significatif dans l’effort mondial pour atteindre un avenir durable, en particulier pour les pays aux ressources limitées.

Transfert technologique et mise en œuvre

L’accent mis au sommet de la COP 28 sur des technologies comme la capture et le stockage du carbone (CCS) a été accueilli avec scepticisme. Bien que la CCS ait du potentiel, son statut actuel en tant que technologie non éprouvée et coûteuse suscite des doutes quant à sa mie à l’échelle et son efficacité à court terme. Cette dépendance à des technologies incertaines peut détourner l’attention et les ressources de solutions plus pratiques et immédiatement viables, telles que les sources d’énergie renouvelable. Le besoin de transfert de technologie – en fournissant aux pays en développement l’accès à des technologies vertes existantes et efficaces – reste insuffisamment abordé. Cet écart entrave le passage mondial à l’énergie renouvelable, essentiel pour atteindre les objectifs climatiques.

La COP 28 a mis en évidence le besoin urgent de soutien financier et technologique pour les pays en développement. Relever ces défis est essentiel pour une réponse mondiale juste et efficace au changement climatique. Les futurs sommets et accords internationaux doivent se concentrer sur la fourniture de mécanismes de soutien tangibles pour garantir que toutes les nations puissent contribuer et bénéficier d’une transition vers un avenir durable.

La Voie à Suivre après la COP 28 : Recommandations et Actions

Pour améliorer l’efficacité des futurs accords climatiques et s’appuyer sur les fondements établis par la COP 28, plusieurs actions clés sont recommandées :

Des engagements plus clairs

Les futurs accords doivent formuler des engagements explicites pour éliminer progressivement les combustibles fossiles. Cela comprend la définition de calendriers spécifiques et d’objectifs mesurables, garantissant que les pays disposent d’une feuille de route claire pour réduire et, i fine, éliminer leur dépendance aux combustibles fossiles. Ces engagements doivent être à la fois ambitieux et réalistes, équilibrant l’urgence environnementale avec la faisabilité économique et sociale.

Soutien financier et technologique

Les pays développés, qui ont historiquement contribué davantage aux émissions de gaz à effet de serre, devraient fournir une aide financière substantielle et un transfert de technologie pour soutenir les pays en développement. Ce soutien est impératif pour permettre à ces pays de basculer directement vers des technologies plus propres, de s’adapter aux impacts du changement climatique et de participer activement aux efforts mondiaux d’atténuation. Les mécanismes financiers doivent être transparents, accessibles et alignés sur les besoins spécifiques des pays en développement.

La COP 28 a souligné le besoin urgent de soutien financier et technologique pour les pays en développement.
Session Présidentielle de la COP-28 sur la transformation des financements climatiques

Prise de décision Inclusive

Le processus de prise de décision dans les futures négociations sur le climat doit être inclusif, assurant que les voix des nations et des communautés vulnérables soient non seulement entendues, mais aussi prises en compte de manière significative. Cette approche devrait inclure une participation plus importante des petites îles, des communautés autochtones et des pays les plus à risque face aux impacts climatiques. En favorisant un environnement plus inclusif, la communauté mondiale peut garantir que l’action climatique est équitable et tient compte des besoins diversifiés de tous les acteurs. L’adoption de ces recommandations sera essentielle pour garantir que les futurs accords climatiques soient plus efficaces, équitables et capables de relever le défi mondial du changement climatique. La voie à suivre nécessite un effort concerté de toutes les nations, informé par les leçons tirées de la COP 28.

Conclusion

Le sommet de la COP 28, événement significatif dans les discussions mondiales sur le climat, a marqué à la fois des progrès et des défis dans l’effort continu pour lutter contre le changement climatique. L’accord historique du sommet pour une transition loin des combustibles fossiles représente un pas crucial en avant dans l’action climatique mondiale.

Points clés de la COP 28

Le Consensus des Émirats Arabes Unis, bien qu’il soit une réalisation historique, a été critiqué pour son langage vague et sa dépendance à des technologies non éprouvées, telles que le CCS. Ces critiques soulignent la nécessité de s’engager plus concrètement dans les futurs accords climatiques.

Le soutien financier et technologique aux pays en développement a émergé comme un domaine majeur nécessitant plus d’intérêt. Le manque de mécanismes détaillés pour l’aide financière et le transfert de technologie lors du sommet a mis en évidence un écart significatif dans les efforts climatiques mondiaux, en particulier pour les nations les plus touchées par le changement climatique. L’appel à une prise de décision inclusive dans les futures négociations est vital. S’assurer que toutes les voix, en particulier celles des nations et communautés vulnérables, soient entendues et prises en compte est essentiel pour une action climatique équitable et efficace.

Le Rôle du multilatéralisme et de l’inclusivité

Le succès des résultats de la COP 28 dépend de la force de la coopération multilatérale et des processus décisionnels inclusifs. S’assurer que toutes les nations, en particulier celles les plus vulnérables au changement climatique, aient une voix dans la définition de l’action climatique est impératif pour la légitimité et l’efficacité des politiques climatiques mondiales.

Regard sur l’avenir

Alors que le monde avance après la COP 28, il est clair qu’il y a un besoin urgent de s’engager de manière plus ambitieuse, d’apporter un soutien financier et technologique substantiel aux pays en développement et de mettre en œuvre des processus de prise de décision inclusifs. Ces étapes sont non seulement nécessaires au succès des futurs sommets sur le climat, mais sont essentielles pour que la communauté mondiale lutte efficacement contre le changement climatique et atteigne les objectifs de développement durable.

La route à venir est difficile, mais la COP 28 a établi un nouveau précédent pour la diplomatie climatique internationale. Les efforts collectifs et les leçons tirées de ce sommet devraient guider les actions futures, garantissant que le monde s’oriente vers un avenir plus durable, équitable et résilient au climat.

Références

  1. COP 28 President_Remarks_Closing Plenary_13 Dec 2023
  2. COP 28 Closing Plenary: AOSIS Statement on GST Decision
  3. First Global Stocktake Dec 13, 2023

Auteurs/autrices

  • Mohammed Benahmed

    Mohammed BENAHMED s'illustre comme un expert émérite dans les sphères de l'ingénierie civile, du management et de la finance. Fort d'une expérience significative dans la gestion de projets d'infrastructure majeurs, il a été un acteur clé dans l'élaboration de projets d'envergure tels que le Complexe Hydraulique Ait Ayoub et le Nouveau Terminal à Conteneurs du Port de Casablanca. Sa carrière au Fonds d’Équipement Communal (FEC) démontre sa compétence à assumer des rôles de haute responsabilité, gérant avec succès le financement et l'assistance technique pour les collectivités territoriales. Salué pour son expertise en recherche et développement, en particulier dans les domaines de l'économie, du droit et de la gestion, il a reçu le Prix de l’Économiste en 2005, soulignant son excellence dans ces domaines. Sa renommée s'étend bien au-delà des frontières nationales grâce à sa participation active dans des forums internationaux et à sa contribution significative à la formation de plus de 250 cadres marocains et africains, couvrant une gamme étendue de compétences de la gestion des services publics à la finance. Actuellement CEO de CBN Développement, il dirige une firme de conseil de premier plan, spécialisée dans l'accompagnement stratégique des organisations gouvernementales et privées. En tant que co-fondateur et président de l'Alliance Maroc Innovation et Emergence depuis 2019, et membre fondateur du Club PPP Maroc, il se concentre sur l'innovation et la stimulation de la compétitivité économique. M. Mohammed BENAHMED est diplômé de l’École Mohammadia d’Ingénieurs de Rabat en génie civil/hydraulique. Il détient également un diplôme de 3ème Cycle en management des organisations de l’Institut Supérieur de Commerce et d'Administration des Entreprises de Casablanca (ISCAE) et une maîtrise en ingénierie mathématique de l'Université de Metz, France.

  • Abderrahim Merzak Ph.D

    Dr. Merzak, président fondateur de l'Institut Territorium à Ottawa-Ontario et du Groupe Territorium au Maroc, est actif dans le domaine de l'innovation, le transfert de technologie et la recherche pour le développement. Avec une expérience antérieure en tant qu'enseignant-chercheur à l'Université de Paris-Saclay et au King's College de l'Université de Londres, il travaille à l'élaboration de systèmes d'innovation socio-techniques, visant à soutenir les secteurs privé et public dans la réalisation des Objectifs de Développement Durable et des cibles de l'Accord de Paris. Son groupe développe des plateformes en ligne pour faciliter l'apprentissage social et la planification de projets durables. Dr. Merzak a participé à la création de partenariats internationaux et a fondé des forums dans le domaine de la gouvernance, du digital, de la biotechnologie et du développement territorial. Son expérience comprend des rôles de création, de management et de consulting. Sur le plan académique, il a occupé des postes d'enseignant-chercheur dans des universités réputées en Europe et au Moyen Orient et a reçu plusieurs distinctions. Il détient un doctorat en biologie moléculaire et cellulaire du cancer de l'Université Paris-Diderot, ainsi que d'autres diplômes académiques.

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