Maroc et crise de l’eau : une opportunité pour les régions/villes!
La crise de l’eau au Maroc est principalement due à une sécheresse prolongée et à d’autres facteurs, entraînant une grave pénurie d’eau. Cette crise reflète un problème mondial de diminution des ressources en eau douce aggravé par le changement climatique. Elle a d’importantes répercussions économiques, notamment sur l’agriculture, ce qui affecte les zones rurales et la sécurité alimentaire. Pour y remédier, le roi Mohammed VI du Maroc a lancé des projets, et le gouvernement a élaboré un plan d’action d’urgence, comprenant des mesures dans divers bassins hydrographiques.
L’eau est liée à presque tous les objectifs de développement durable (ODD) et la réalisation de l’ODD 6 “Eau et Assainissement” est essentielle à la mise en œuvre de tous les autres ODD. En maximisant les synergies entre l’ODD 6 et les autres ODD, en utilisant la coopération intersectorielle, des progrès peuvent être réalisés dans les différents domaines et accélérer ainsi les efforts tant recherchés pour la réalisation de l’agenda 2030 et des objectifs climatiques.
D’autre part, l’ODD 6 a le potentiel de faciliter la “localisation” des autres ODD de l’agenda 2030. L’objectif 6.b exige de “Soutenir et renforcer la participation des communautés locales à l’amélioration de la gestion de l’eau et de l’assainissement” pour atteindre tous les autres objectifs de l’ODD 6.
La “localisation” des ODD, c’est-à-dire leur adaptation et intégration dans les contextes locaux spécifiques, est cruciale pour leur réalisation effective. Les villes et régions, en tant que lieux où les opportunités et les défis du développement durable se rencontrent, jouent un rôle clé dans cet effort. En développant des feuilles de route adaptées à leurs contextes spécifiques, elles peuvent promouvoir un développement durable “ascendant”, enraciné dans les connaissances et les besoins locaux.
Dans cet article, nous discutons comment le Plan d’Action d’Urgence de l’eau, tout en étant un défi majeur, constitue une opportunité sans précédent pour les villes et régions du Royaume du Maroc de tirer parti de cette centralité de l’ODD-6 et de son caractère “catalyseur” de tous les autres ODD afin d’embrasser une approche systémique et locale dans la réalisation des ODD d’ici 2030.
- Points clés à retenir
- Crise de l’Eau au Maroc
- La Politique de l’Etat Marocain
- Le Plan d’Action d’Urgence de l’eau : une opportunité unique pour les Villes et Régions du Royaume
- L’approche systémique est nécessaire pour atteindre les ODD
- Les ODD doivent être réalisés à partir du niveau local
- L’Eau est le catalyseur de tous les objectifs de développement durable de l’agenda 2030
- Les cibles de l’ODD 6 sont réalisées au niveau local ou ou ne le seront pas du tout
- Le Plan d’Action d’Urgence de l’Eau du Maroc, offre une opportunité unique pour les Villes et Régions
- Vers des Feuilles de Route Prospectives de Développement Durable
- Conclusion
- Références
Points clés à retenir
- La crise de l’eau au Maroc est provoquée par une sécheresse prolongée et d’autres facteurs, entraînant un déficit de précipitations annuelles et une grave pénurie d’eau.
- Cette pénurie d’eau au Maroc reflète un problème mondial de diminution des ressources en eau douce exacerbé par le changement climatique, affectant non seulement le Maroc mais de nombreuses régions du monde.
- La pénurie d’eau a des impacts économiques importants, en particulier sur l’agriculture, qui dépend fortement de l’irrigation, affectant les zones rurales et la sécurité alimentaire.
- La crise a de multiples causes, notamment le changement climatique, une gestion inefficace de l’eau et le détournement des ressources en eau, qui nécessitent une approche intégrée pour trouver des solutions.
- Le roi Mohammed VI du Maroc a pris des initiatives pour faire face à la crise de l’eau et assurer l’approvisionnement en eau, avec des projets tels que les raccordements entre bassins et le dessalement.
- Le gouvernement a présenté un plan d’action d’urgence pour l’approvisionnement en eau, comprenant l’optimisation des ressources des barrages, le forage et le dessalement.
- Des mesures urgentes sont prises dans différents bassins hydrographiques pour gérer efficacement les stocks d’eau disponibles et contribuer à la réalisation des cibles de l’ODD 6 “Eau et Assainissement”.
- Maximiser la réalisation de l’ODD 6 a des effets d’entraînement sur tous les autres ODD, tels que la santé, l’éducation, l’égalité des sexes et l’action climatique, aux niveaux des villes et des régions, et les connaissances locales sont essentielles à une mise en œuvre efficace.
- Le Plan d’action d’urgence pour l’eau du Maroc offre donc une opportunité unique aux conseils des villes et des régions du Royaume d’élaborer des feuilles de route de développement durable pour accélérer la réalisation de l’agenda 2030 et des objectifs climatiques.
- Des feuilles de route bien structurées et prospectives peuvent aider le Maroc non seulement à surmonter la crise actuelle de l’eau, mais également à jeter les bases d’un avenir durable et résilient.
- Le Plan d’action d’urgence pour l’eau du Maroc présente également une opportunité unique pour le développement de politiques publiques locales qui impliquent tous les niveaux de gouvernance, du gouvernement central aux collectivités locales et à la coopération internationale.
- La transformation numérique du secteur de l’eau peut également améliorer l’efficacité de la gestion de l’eau grâce à des technologies innovantes de surveillance, de contrôle et de distribution.
- Considérer la crise de l’eau comme une opportunité implique de reconnaître l’eau comme un pilier essentiel du développement durable, essentiel pour la santé, la sécurité alimentaire, l’énergie et la protection de l’environnement…
- La crise de l’eau au Maroc appelle une action collective et une réponse unifiée de toutes les parties prenantes, soulignant la nécessité de stratégies proactives pour garantir la sécurité de l’eau pour tous.
Crise de l’Eau au Maroc
Stress hydrique désormais structurel
Le Maroc est confronté à une situation hydrique désastreuse en raison d’une période prolongée de sécheresse et d’autres facteurs. Voici un résumé des points clés liés à la crise de l’eau au Maroc :
- Déficit pluviométrique : Depuis 2015, le Maroc connaît un déficit pluviométrique annuel, entraînant un faible ruissellement, une réduction de l’approvisionnement en eau des barrages et une diminution de la recharge des eaux souterraines. Ce déficit pluviométrique persistant a eu un impact sévère sur les ressources en eau du pays [ 1 ][ 2 ].
- Rareté de l’eau : La raréfaction de l’eau menace directement les équilibres économiques, environnementaux et sociaux du pays, particulièrement dans les régions arides et semi-arides. Cette situation de stress hydrique chronique (pour mémoire, 2500 m3/hab/an en 1960 à 650 m3/hab/an en 2018, et moins de 500m3/ hab/an en 2030) ne cesse d’accentuer la précarité de la sécurité hydrique du pays. Cette situation reflète la forte vulnérabilité du Maroc face à des usages de l’eau qui n’intègrent pas cette rareté.
- Sécheresse : Le pays se dirige actuellement vers sa sixième année consécutive de sécheresse, exacerbant le problème de la pénurie d’eau [ 3 ].
- Réserves de barrages : La situation s’étend aux principaux barrages du Maroc, certains, comme le barrage de Bine El Ouidane, étant remplis à seulement 5 pour cent de leur capacité, soulignant la gravité de la crise [ 4 ].
- Réponse du gouvernement : Le Maroc s’attaque de manière proactive à la crise de l’eau avec une approche multiforme, mettant l’accent sur l’innovation et la durabilité. Le gouvernement a présenté un plan d’urgence pour contrer la crise [ 5 ].
- Changement climatique : La pénurie d’eau du pays est exacerbée par sa position dans un climat semi-aride et par l’escalade de la crise climatique [ 6 ].
La pénurie d’eau au Maroc : un reflet de l’urgence mondiale
Le Maroc, confronté à cette sévère pénurie d’eau, incarne une problématique globale : la raréfaction de l’eau douce. Cette situation critique s’inscrit dans un contexte de stress hydrique accru par le changement climatique, affectant non seulement le Maroc mais de nombreuses régions à travers le monde. La division du développement durable des Nations Unies a identifié la pénurie d’eau au Maroc comme un frein majeur à l’expansion de secteurs vitaux, soulignant l’urgence d’adopter des mesures proactives pour contrer cette menace croissante.
Impact des Sécheresses sur l’Économie Marocaine
La pénurie d’eau au Maroc a des répercussions significatives sur la situation macroéconomique du pays, exacerbée par des sécheresses successives. La Banque Mondiale a souligné que la rareté de l’eau impose des contraintes économiques majeures, limitant la croissance dans des secteurs clés tels que l’agriculture, qui est fortement dépendante de l’irrigation [ 7 ]. Cette situation affecte non seulement la production agricole mais aussi l’emploi et les revenus dans les zones rurales, mettant en péril la sécurité alimentaire et augmentant la vulnérabilité des populations les plus pauvres [ 8 ].
Causes Principales de la Crise Hydrique au Maroc
Les causes de la crise hydrique au Maroc sont multiples et interconnectées. Le changement climatique est un facteur prépondérant, entraînant une raréfaction des précipitations et une augmentation des températures. Ces phénomènes aggravent la sécheresse et réduisent la disponibilité des ressources en eau surface et souterraine. En outre, la gestion hydrique fait face à des défis importants tels que le détournement des eaux, l’envasement des barrages et une utilisation inefficace de l’eau, notamment dans l’agriculture, qui consomme une grande partie des ressources hydriques du pays. [ 2 ] [ 4 ].
La crise hydrique actuelle au Maroc est donc le résultat d’une combinaison de facteurs climatiques et de défis liés à la gestion et l’utilisation de l’eau. Pour y faire face, il est essentiel d’adopter une approche intégrée qui prend en compte à la fois l’atténuation des effets du changement climatique et une gestion plus efficace et durable des ressources en eau.
La Politique de l’Etat Marocain
Les Orientations du Nouveau Modèle de Développement du Maroc
Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) place la problématique de l’eau au cœur des urgences sociétales à traiter dans une approche donnant la primauté à la préservation et une meilleure valorisation des ressources en eau à long terme et une gestion plus rigoureuse de sa rareté pour les générations actuelles et futures ainsi que le recours à la mobilisation des ressources hydriques non conventionnelles grâce à la science, la technologie et l’innovation.
Les Directives du Roi Mohammed VI du Maroc
Le Roi Mohammed VI, dans son discours du 14 octobre 2022, à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire, a lancé un appel fort aux différentes parties prenantes (gouvernement, administrations et établissements publics, citoyens, opérateurs économiques…) pour relever les grands de fis multidimensionnels de la problématique des ressources hydriques :
- Lancement d’initiatives et de projets plus ambitieux en recourant à de nouvelles innovations et technologies dans le domaine de l’économie de l’eau et de la réutilisation des eaux usées.
- Exploitation rationnelle des eaux souterraines et de la préservation des aquifères.
- Rupture avec le pompage illégal et du creusement anarchique de puits.
- Sensibilisation du public à l’économie de l’eau et à la lutte contre toutes les formes de gaspillage ou d’utilisation irresponsable de cette ressource vitale.
- Les questions de l’eau ne sont pas uniquement l’affaire d’une politique sectorielle isolée, mais une préoccupation commune à différents secteurs.
- Mise à jour constante des stratégies sectorielles basées sur la pression sur les ressources en eau et leur évolution future.
En réponse à la crise hydrique exacerbée, le Roi a présidé une réunion à Rabat le 16 janvier 2024 pour discuter de la question cruciale de l’eau dans le Royaume du Maroc. La discussion s’est concentrée sur le problème actuel de pénurie d’eau causé par une diminution significative des précipitations et une pression croissante sur les ressources en eau. Entre septembre et mi-janvier 2024, il y a eu un déficit de pluie de 70% par rapport à la moyenne, avec des taux de remplissage des barrages passant de 31,5% à 23,2% au cours de la même période de l’année précédente. Les actions précédentes, suivant les directives royales, ont réussi à fournir de l’eau potable à plusieurs provinces et régions, notamment grâce à des projets tels que l’interconnexion des bassins de Sebou et de Bouregreg et l’exploitation des stations de dessalement à Agadir et Safi/Jorf Lasfar.
Le Plan d’Action d’Urgence élaboré par le Gouvernement du Maroc
Le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a présenté un plan d’action d’urgence lors de la réunion pour garantir l’approvisionnement en eau potable, en particulier dans les zones confrontées à des déficits ou à des risques. Ce plan d’urgence englobe diverses mesures, notamment l’utilisation optimale des ressources des barrages, les forages et les installations de dessalement existantes, ainsi que la construction d’infrastructures d’approvisionnement en eau urgente. En cas de nécessité, des mesures telles que des restrictions d’irrigation et des contrôles de la distribution de l’eau peuvent être mises en place.
Conformément aux directives royales, le gouvernement marocain a décidé d’accélérer les projets d’infrastructures hydrauliques en cours ayant des impacts à moyen terme. Ces projets comprennent les barrages en cours de construction, les interconnexions entre les bassins de Sebou, de Bouregreg et d’Oum Rabia, le programme national de dessalement de l’eau de mer, les programmes de réutilisation des eaux usées et les initiatives de conservation et d’optimisation des rendements dans les réseaux d’eau potable et d’irrigation. Le roi Mohammed VI a exhorté les départements et organisations concernés à intensifier leurs efforts pour relever les défis liés à la sécurité de l’eau et assurer l’approvisionnement en eau potable dans toutes les régions du royaume. De plus, le gouvernement a été encouragé à établir une communication transparente et régulière avec les citoyens concernant l’évolution de la situation de l’eau et la mise en œuvre de mesures d’urgence. Des campagnes de sensibilisation du public à la conservation de l’eau et à une utilisation responsable de la ressource ont été soulignées comme des étapes essentielles. Le gouvernement marocain a déployé un ensemble de mesures d’urgence ciblant spécifiquement chaque bassin hydraulique du pays [ 5 ], qui visent à renforcer l’approvisionnement en eau potable et à répondre de manière efficace à la pénurie de l’eau, tout en anticipant les défis futurs liés au stress et et la sécurité hydrique.
Les mesures d’urgence des bassins hydrauliques
Face à cette situation, le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a présenté des mesures d’urgence détaillées pour chaque bassin hydraulique du Royaume afin de gérer les stocks d’eau disponibles [ 5 ] :
- Une nouvelle approche de planification a été adoptée, partant des provinces et se concentrant sur les bassins hydrauliques pour relever les défis liés aux ressources en eau.
- Les mesures pour le bassin du Bouregeg et de la Chaouia incluent le renforcement de l’approvisionnement en eau des zones sud de Casablanca, le forage exploratoire et l’acquisition de stations de dessalement pour Settat et Berrechid.
- Les mesures dans le bassin de l’Oum Er-Rbia concernent des stations de pompage, des stations de dessalement dans la région Casablanca-Settat et le forage exploratoire pour l’approvisionnement en eau dans diverses localités.
- Dans le bassin de Souss-Massa, les mesures d’urgence consistent en des forages exploratoires, des stations mobiles de dessalement pour Aït Baha et Taghazout, et la mise en œuvre locale des décisions de gestion des ressources en eau.
- Le bassin de Tensift a connu des forages exploratoires, le transfert d’eau du barrage Al-Massira vers la station de traitement de Rocade, et l’arrêt de l’utilisation de l’eau d’irrigation du barrage Moulay Youssef pour soutenir l’approvisionnement en eau potable de Marrakech.
- Dans le bassin du Loukkos, les mesures comprennent l’installation de pompes, l’équipement de puits d’eau et le transfert d’eau entre les barrages pour réduire le déficit en eau.
- Le bassin de la Moulouya a connu des forages exploratoires, l’utilisation de stations de pompage, et la construction de canaux souterrains pour fournir de l’eau à plusieurs provinces.
- L’Agence du bassin hydraulique de Sebou est en train de réaliser des projets de forage pour réduire le déficit en eau à Taza, et des ressources en eau supplémentaires sont mobilisées à partir de puits existants.
- Dans le bassin de Guir-Ziz-Rheris, de nombreux projets de forage exploratoire sont en cours, ainsi que le traitement de l’eau de surface du barrage Hassan Dakhil pour soutenir l’approvisionnement en eau potable d’Errachidia.
Le Plan d’Action d’Urgence de l’eau : une opportunité unique pour les Villes et Régions du Royaume
Les Objectifs de développement durable (ODD) représentent une vision pour un monde plus durable, à réaliser d’ici 2030. Malheureusement, les progrès réalisés à ce jour sont insuffisants et les défis de mise en œuvre sont nombreux, notamment (1) la nécessité de stratégies systémiques qui maximisent les synergies et atténuent les échanges commerciaux. des décalages et des conflits entre les objectifs ainsi que (2) le manque de « localisation » des ODD au niveau territorial.
L’approche systémique est nécessaire pour atteindre les ODD
Une approche systémique des ODD met l’accent sur leur réalisation comme une unité cohérente, reconnaissant les interactions et les rétroactions négatives et positives entre les objectifs. Les programmes qui se concentrent isolément sur des ODD individuels risquent de rater des opportunités d’impact et de saper les efforts de durabilité. Des facteurs tels que la durée, la géographie, la gouvernance et les pratiques culturelles peuvent affecter les interactions positives et la mise en œuvre des ODD. Tirer parti des synergies entre les ODD peut conduire à un impact global accru et à des économies de coûts. En outre, un moyen pour les décideurs d’accélérer les progrès au cours des années restantes de l’Agenda 2030 est d’identifier les interventions qui tirent parti des synergies entre les ODD, favorisant ainsi des progrès simultanés sur plusieurs objectifs individuels. Ils doivent également identifier les domaines dans lesquels différents ODD entrent en conflit, afin de fixer des priorités. Comprendre comment les ODD sont interconnectés aidera à développer des stratégies de transformation qui maximisent les synergies et minimisent les compromis.
Les ODD doivent être réalisés à partir du niveau local
Il est également reconnu que les relations entre les ODD sont spécifiques aux contextes locaux [ 9 ][ 10 ] et que la mise en œuvre du Programme 2030 nécessite une « localisation » des ODD aux niveaux national et infranational [ 11 ][ 12 ].
En outre, les territoires, et principalement les villes, sont citées comme des lieux où « les opportunités et les menaces pour le développement durable se rencontrent » et sont considérées comme un élément clé de la réalisation des ODD [ 13 ].
Pour atteindre les ODD, une action est nécessaire à toutes les échelles [ 14 ]. Les recherches émergentes soulignent l’importance de localiser les ODD, et le processus d’adaptation des stratégies et des outils de suivi et d’évaluation aux territoires infranationaux pour promouvoir l’avancement « ascendant » des ODD [ 14 ][ 15 ]. Les connaissances locales ont par ailleurs été identifiées comme essentielles à la mise en œuvre des ODD [ 16 ].
En effet, l’une des principales raisons pour lesquelles les ODD de l’agenda 2030 de l’ONU accusent du retard est l’absence de stratégies de leur “territorialisation” (“localisation”) systémique au niveau des collectivités territoriales et leur faible intégration dans les politiques locales de développement durable. Bien qu’ils aient une portée mondiale, la mise en œuvre efficace des ODD dépend fortement de la manière dont ils sont adaptés et intégrés au niveau local. Localiser les ODD 2030 implique de les adapter aux contextes et aux besoins spécifiques des communautés locales, les rendant ainsi plus pertinents et réalisables. Cela nécessite la création de feuilles de route de scénarios de prospective intégrée/systémique au niveau des régions et des villes.
L’Eau est le catalyseur de tous les objectifs de développement durable de l’agenda 2030
L’eau est liée à presque tous les ODD et la réalisation de l’ODD 6 est essentielle à la mise en œuvre de tous les autres ODD. Accélérer la réalisation de l’ODD 6 soutient l’atteinte de nombreux autres ODD, notamment ceux liés à la santé, à l’éducation, à l’alimentation, à l’égalité des sexes, à l’énergie et au changement climatique. La myriade d’interdépendances entre l’eau, l’énergie, l’industrie, l’urbanisation et les partenariats révèle que les progrès dans un domaine peuvent stimuler les progrès dans d’autres, démontrant ainsi la possibilité de tirer parti des synergies entre les ODD pour accélérer les progrès. Toutefois, ces liens impliquent également des compromis potentiels, soulignant l’importance d’une planification et d’une coordination intégrées. En maximisant les synergies entre l’ODD 6 et les autres ODD, en utilisant la coopération intersectorielle, des avancées peuvent être réalisées dans les différents domaines et accélérer ainsi les efforts tant recherchés pour la réalisation de l’agenda 2030 et des objectifs climatiques.
Les cibles de l’ODD 6 sont réalisées au niveau local ou ou ne le seront pas du tout
De par son caractère catalyseur, l’ODD 6 a le potentiel de faciliter la “localisation” des autres ODDs de l’agenda 2030. En d’autres termes, la réalisation des cibles de l’ODD 6 est conditionnée par la participation des “acteurs locaux”. En effet, l’ODD 6 se lit comme suit : « garantir la disponibilité de l’eau, sa gestion durable et son assainissement pour tous » (Assemblée générale des Nations Unies, 2015) et comprend huit cibles : six d’entre elles sont basées sur des résultats et deux sont basées sur les moyens de mise en œuvre. De manière plus détaillée :
- Les cibles 6.1 et 6.2 concernent l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène.
- La cible 6.3 étend le cadre au-delà de l’utilisation des installations sanitaires pour se concentrer sur les eaux usées et la qualité de l’eau.
- Les cibles 6.4 et 6.5 font respectivement référence à l’efficacité de l’utilisation de l’eau et à la rareté de l’eau, ainsi qu’à la mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE).
- La cible 6.6 se concentre sur des écosystèmes sains liés à l’eau.
- Enfin, les objectifs 6.a et 6.b suggèrent l’importance de la coopération internationale et de la participation des “parties prenantes locales” pour atteindre les objectifs précédents.
Le Plan d’Action d’Urgence de l’Eau du Maroc, offre une opportunité unique pour les Villes et Régions
Le Plan d’Action d’Urgence de l’Eau du Maroc, offre une opportunité unique pour les conseils régionaux et municipaux du Maroc pour développer des feuilles de route “contextualisées” de développement durable. Ces feuilles de route devraient envisager des scénarios prospectifs intégrés, prenant en compte non seulement la gestion de l’eau mais également tous les autres aspects liés au climat et aux ODD.
Pour que les régions et villes du Maroc transforment efficacement la crise de l’eau en une opportunité de développement durable, il est crucial aussi d’établir des politiques publiques locales qui reflètent les objectifs globaux des ODD tout en étant adaptées aux réalités locales. Cela implique une collaboration étroite entre le gouvernement, les collectivités tous niveaux, les entreprises, la société civile et les communautés locales pour co-créer des solutions systémiques et durables.
Vers des Feuilles de Route Prospectives de Développement Durable
La crise hydrique actuelle, exacerbée par le changement climatique, exige une révision pragmatique des stratégies de gestion de l’eau. Cette situation, bien qu’alarmante, offre une occasion unique de repenser les approches traditionnelles et d’adopter des feuilles de route prospectives qui transforment les défis en opportunités de développement durable.
Nécessité d’une Approche Pragmatique
Une approche pragmatique nécessite de reconnaître la complexité de la crise hydrique et d’adopter des solutions innovantes et multidimensionnelles, qui intègrent la gestion de l’eau dans un cadre plus large de développement durable, prenant en compte les aspects économiques, sociaux et environnementaux au sein de chaque ville et région du Royaume. Cela implique de définir des objectifs clairs, mesurables et atteignables, cohérent avec les plans de développement existants, tout en étant flexibles pour s’adapter aux changements et aux nouvelles découvertes.
Feuilles de Route Détaillées pour Différents Secteurs
Les feuilles de route pour la gestion de l’eau doivent être détaillées et sectorielles, tenant compte des spécificités de chaque domaine d’activité. Par exemple :
- Agriculture : Optimisation de l’irrigation et promotion de techniques agricoles économes en eau.
- Industrie : Incitation à la réutilisation de l’eau et à l’adoption de technologies propres rationnalisant l’utilisation et la consommation d’eau.
- Urbanisme : Intégration de la gestion durable de l’eau dans la planification urbaine, incluant des infrastructures vertes et des systèmes de récupération des eaux pluviales.
Ces feuilles de route doivent également envisager la digitalisation du secteur de l’eau comme un levier clé pour améliorer l’efficacité de la gestion de l’eau, en s’appuyant sur des technologies innovantes pour la surveillance, l’optimisation le contrôle de qualité et la distribution de l’eau.
Transformation de la Crise en Opportunité
Envisager la crise hydrique comme une opportunité nécessite une transformation fondamentale dans la manière dont nous comprenons, valorisons et gérons l’eau. Cela implique d’adopter une vision à long terme qui reconnaît l’eau non seulement comme une ressource, mais comme un pilier clé du développement durable, essentiel pour la santé, la sécurité alimentaire, l’énergie et la protection de l’environnement.
En adoptant des feuilles de route prospectives, contextualisées et bien structurées, le Maroc peut non seulement surmonter la crise hydrique actuelle mais également établir des bases solides pour un avenir durable et résilient.
Définition de Portefeuilles de Projets
Il est impératif de concevoir des portefeuilles de projets qui abordent la gestion de l’eau de manière intégrée, en tenant compte des interdépendances avec d’autres secteurs tels que l’agriculture, l’énergie, la santé, et l’urbanisme. Ces projets pourraient inclure :
- Technologies Vertes et Innovantes : Investir dans des technologies avancées pour le traitement et le recyclage de l’eau, ainsi que dans des systèmes d’irrigation intelligents pour l’agriculture.
- Infrastructures Durables : Développer des infrastructures urbaines résilientes intégrant la gestion des eaux pluviales, la création de zones vertes urbaines et la réhabilitation des bassins hydrauliques.
- Éducation et Sensibilisation : Promouvoir des programmes éducatifs pour encourager la conservation de l’eau et la sensibilisation aux pratiques durables dans tous les secteurs de la société.
Politiques Publiques Multi-Niveaux
Les politiques publiques doivent être adaptées pour soutenir efficacement ces stratégies et projets, en impliquant tous les niveaux de gouvernance :
- Gouvernement Central : Élaborer des cadres législatifs et des incitations pour encourager la mise en œuvre de pratiques de gestion durable de l’eau dans les secteurs industriels et agricoles.
- Autorités Régionales et Locales : Adapter les politiques et les plans d’urbanisme pour intégrer la gestion durable de l’eau, en soutenant les initiatives locales et en promouvant la participation communautaire.
- Coopération Internationale : S’engager dans des partenariats internationaux pour échanger des connaissances, des technologies et des bonnes pratiques en matière de gestion de l’eau.
Ces stratégies et projets prospectifs offrent un cadre pour transformer la crise hydrique en une opportunité de renforcer la résilience et de promouvoir un développement durable et inclusif. En plaçant l’eau au cœur des politiques de développement, le Maroc peut inverser les impacts négatifs de la crise de l’eau et ouvrir la voie à une prospérité durable pour toutes les régions et villes du Royaume.
Conclusion
Face aux défis croissants liés au stress hydrique, un appel à l’action collective est lancé pour mobiliser l’ensemble des marocains. La pénurie d’eau, exacerbée par des facteurs environnementaux, sociaux et politiques, nécessite une réponse unifiée et engagée de tous les acteurs du pays, des décideurs politiques aux citoyens.
Le Maroc se trouve à un carrefour critique, où les choix et les actions d’aujourd’hui détermineront la viabilité de son avenir. La Banque mondiale a souligné l’urgence d’agir immédiatement pour contrer les impacts négatifs du stress hydrique, soulignant l’importance d’une stratégie proactive pour assurer la sécurité de l’eau pour tous.
L’engagement vers un développement durable passe par une gestion intégrée et durable de l’eau, qui tient compte non seulement des besoins immédiats mais aussi des aspirations futures. Le Ministère de l’Équipement et de l’Eau a déjà pris des mesures d’urgence pour relever les défis de la politique de l’eau, posant ainsi les premières pierres d’une stratégie à long terme.
L’avenir envisagé est celui d’un Maroc résilient, où la crise hydrique est non seulement surmontée mais transformée en une opportunité de renforcer les fondements du développement durable. Cela nécessite une solidarité sans faille, une innovation continue et une volonté politique forte pour garantir que les générations futures héritent d’un pays non seulement riche en ressources mais aussi pragmatique dans leur gestion.
Références
- Researchgate – Khadija Lamrani et al., : Understanding drought in Morocco: A special look at the Haouz Plain
- Machrafi et al. : Water in Morocco, Retrospective at the Political, Regulatory and Institutional Levels
- The World Bank : New World Bank Program in Morocco Supports Efforts to Boost Water Security and Resilience for all
- Mohamed Ahmad et al. Sciendirect : Sustainability of Morocco’s groundwater resources in response to natural and anthropogenic forces
- MAP News : Chambre des représentants : M. Baraka expose les grandes lignes du plan d’action d’urgence des systèmes hydrauliques
- Elliese Wright, Western Washington University : An Investigation into Morocco’s Water Crisis. An Exploration into the Causes of Morocco’s Water Scarcity, the Plans to Mitigate it, and its Effect on Moroccans.
- Banque Mondiale – Face à la pénurie d’eau et aux chocs sur les prix
- National Geographic – Pénurie d’eau : le Maroc tire le signal d’alarme
- Nature, Måns Nilsson et al., : Policy: Map the interactions between Sustainable Development Goals
- Springer Link (Sustain. Sci.,) Måns Nilsson et al., : Mapping interactions between the sustainable development goals: lessons learned and ways forward
- UN-Water, 2016. Water and sanitation interlinkages across the 2030 Agenda for Sustainable Development.
- Researchgate; David Requejo Castro et al., : Data-driven Bayesian network modelling to explore the relationships between SDG 6 and the 2030 Agenda.
- The Lancet – Giles Corti et al., : Creating healthy and sustainable cities: what gets measured, gets done
- Researchgate- Katrina Szetey et al., : Participatory planning for local sustainability guided by the Sustainable Development Goals
- Researchgate – ElMassah et Mohieldin : Digital transformation and localizing the Sustainable Development Goals (SDGs)
- The Lancet – Felix Laumann et al., : Complex interlinkages, key objectives, and nexuses among the Sustainable Development Goals and climate change: a network analysis